Chroniques de l’album Monique Jutras chante et turlute la Bolduc

Journal de Québec
Serge Drouin, 2 avril 2004

La chanteuse-musicienne et ethnologue Monique Jutras rend hommage à La Bolduc sur son plus récent album intitulé Monique Jutras chante et turlute La Bolduc.  Pour l’artiste, il s’agit d’un quatrième album en carrière.  Sur son disque hommage à La Bolduc, Monique Jutras propose 17 pièces.  Les amateurs entendront des airs comme Ça va venir, découragez-vous pas, Nos braves habitants, Les Agents d’assurances…  Musicalement Monique Jutras est demeurée très près de l’esprit de La Bolduc, même si les arrangements qu’elle propose sont très actuels.  « J’ai choisi les pièces par goût personnel, mais aussi pour illustrer ce qui est resté dans la mémoire des gens », dit Mme Jutras.

Selon Monique Jutras, « La Bolduc a été notre première folk-signer canadienne-française, avant même que le nom existe.  Dans les années ’60, les mouvements de contestation provenaient de la classe intellectuelle (Bob Dylan…). La Bolduc, pour sa part prenait la parole pour le peuple de son époque (1929 à 1941). Elle disait souvent ce que le monde ordinaire pensait. Son propos est toujours d’actualité.  Elle touchait les fibres des Québécois, autant dans le milieu rural qu’urbain.  Elle a été la première à effectuer des tournées de spectacles », explique la chanteuse.

Par ailleurs, Monique Jutras souligne que la musique de La Bolduc représentait un mélange de diverses influences.  « Née d’un père anglo-irlandais et d’une mère acadienne, La Bolduc était passée maître dans la connaissance des airs traditionnels et la turlute (imitation du violon par onomatopées).  La Bolduc était aussi une multi-instrumentiste jouant du violon, de l’harmonica, des cuillères, de l’accordéon… »

Pour appuyer ce disque, Monique Jutras propose un spectacle mettant en vedette les airs de La Bolduc, tout en poursuivant les représentations de ses spectacles réguliers. Elle souhaite venir le présenter à Québec dans un avenir proche.  Elle sera à Beauport en décembre.

Revue Le Bel Âge
avril 2004

C’est certain, Madame Bolduc aurait été fière en entendant Monique Jutras chante et turlute La Bolduc.  Car la désormais bien connue Monique Jutras rend avec vitalité l’œuvre et la turlute de La Bolduc.  Son généreux CD d’une durée de 75 minutes réunit 17 chansons : des classiques, comme Les agents d’assurances, aux moins connues, telle la poignante Sans travail, et des surprises, comme l’hilarante Turlute du rhum et des rimes pour un rhume d’homme, composée par Monique Jutras.  Fille de party, elle a inclus six des chansons en version musicale, appelée version karaoke.  Et les commentaires du livret situent chaque chanson dans son contexte.

Magazine Vie Pratique
mars 2004

Peut-être avez-vous déjà rencontré Monique Jutras au cours d’une visite guidée du quartier Hochelaga-Maisonneuve (Sur les traces de La Bolduc), il y a quelques années.  La turluteuse personnifiait Mary Travers, alias La Bolduc.  Quoi de plus naturel alors que de s’intéresser au répertoire de notre première chansonnière ?  Voici enfin le CD Monique Jutras chante et turlute La Bolduc, 17 chansons, des classiques aux moins connues, dont une écrite par la chanteuse et musicienne elle-même, La turlute du rhum et des rimes pour un rhume d’homme.  L’orchestration, simple et efficace, laisse la place aux textes, rendus avec beaucoup de vitalité.  Bonus, dans le livret chaque chanson est accompagnée d’un commentaire qui la situe dans son contexte.  Ce CD, d’une durée de plus de 75 minutes, inclut aussi 6 des chansons en version musicale, pour les soirées karaoké.  Généreuse, La Jutras !

Journal de Montréal
Patrick Gauthier, 24 janvier 2004

On dit que les grandes œuvres sont éternelles.  Faut-il placer les turlutes de La Bolduc aux côtés de la 9ième de Beethoven et du Hamlet de Shakespeare ?  Avant de rire, réécoutez les chansons de Madame Travers, comme nous en donne l’occasion un nouvel album de Monique Jutras.  Vous y entendrez une œuvre d’une grande pertinence encore aujourd’hui.

Pourquoi revisiter La Bolduc en 2004 ?  C’est la première question posée à Monique Jutras, rencontrée cette semaine rue Laurier.  « Parce qu’elle était une artiste visionnaire qui, de façon instinctive plus qu’intellectuelle, était capable de saisir son environnement.  On l’a déjà décrite comme le battement de cœur de l’Amérique française », explique la chanteuse, musicienne et ethnologue, qui connaît bien La Bolduc pour l’avoir incarnée une centaine de fois dans le spectacle Sur les traces de La Bolduc.  Ce « cœur », dont les racines plongeaient profondément dans l’Amérique française n’a pas subi de grandes transformations depuis que La Bolduc a poussé ses premières turlutes, durant les années 1930.

En fait, à écouter certaines des pièces de l’album Monique Jutras chante et turlute La Bolduc, on est étonné de la grande pertinence qu’elles conservent aujourd’hui, presque trois quarts de siècle plus tard.  « Gardez vos enfants chez vous / Pour faire des habitants comme vous / C’est mieux que d’courir les rues / Et passer leur temps aux p’tites vues » chantait-elle dans Nos braves habitants, prévoyant les problèmes d’oisiveté et d’obésité de notre belle jeunesse.  Suffit de rouler à Montréal tous les jours pour constater que la situation décrite dans Aux chauffeurs d’automobile n’a pas beaucoup changé alors que, dans Sans travail, La Bolduc semble y aller d’un commentaire sur les premiers mois au pouvoir du gouvernement Charest !  « Depuis quelqu’ temps c’est effrayant / On se plaint du gouvernement / On nous promet plus de beurre que d’pain / Avec ça on n’avance à rien ».

Ces synchrones « sont dus au grand talent de La Bolduc et, surtout, au fait que plus ça change, plus c’est pareil », constate Monqiue Jutras.  « Ce qui fait qu’une chanson traverse le temps tient à beaucoup de choses.  La mélodie, le texte, la façon dont l’interprète la fait « swinger »… Mais ça tient surtout à l’universalité de son propos.  La Bolduc fut notre première folk singer, une chanteuse du peuple, boudée d’ailleurs par les intellectuels.  La Bolduc, c’est large, c’est complet.  Je n’arrête pas de la découvrir, de la redécouvrir », ajoute la chanteuse.

Avec l’aide des musiciens Jean-Pierre Joyal – qui remet chaque pièce dans son contexte socio-musical sur le livret – et Luc Lavallée, Monique Jutras veut remettre La Bolduc au goût du jour.  Pourtant, plusieurs anthologies du corpus de Mary Travers, décédée en 1941, existent déjà sur le marché.  « Je voulais satisfaire les exigences des auditeurs, offrir des arrangements modernes mais fidèles de ces pièces », explique Monique Jutras en terminant.

Le Soleil, Robert Laplante
26 décembre 2003

également paru dans La Presse,
collaboration spéciale de Robert Laplante, 23 décembre 2003

Monique Jutras chante La Bolduc. Hommage à une contestataire.  Bien avant les Vulgaires Machins, les Cowboys fringants et les autres contestataires de la génération Y, bien avant les Michel Rivard, Robert Charlebois et autres baby-boomers, fils revendicateurs de Woodstock et de la Révolution tranquille, il y avait Mary Travers, La Bolduc, chantre des gens ordinaires dont l’héritage reste toujours aussi contemporain.

« C’est véritablement notre première folk singer » souligne d’entrée de jeu Monique Jutras, qui vient de lancer son tout nouveau CD consacré à cette protest singer de la première heure.  « Quand j’ai eu mon acccident / J’ai pris un avocat / I’m’ dit ça prendra pas de temps / Vous allez gagner c’te cause-là / Ça fait deux ans passés / Mon procès a commencé / Si ça continue comme ça / Ça va aller tout’ aux avocats.» « Ce qui est fantastique avec Madame Bolduc, c’est qu’elle est encore d’actualité.  Les situations qu’elle chante ont toujours des échos aujourd’hui.  Qui n’a pas eu de problèmes avec son agent d’assurance ou avec un avocat ? » affirme Monique Jutras avec un enthousiasme communicatif.

Monique Jutras chante et turlute La Bolduc propose un nouvel éclairage de l’œuvre de Mary Travers.  Loin des fusions culturelles dans lesquelles les nouvelles productions traditionnelles baignent depuis quelques années, l’album mise sur une orchestration simple et effacée qui laisse toute la place aux textes de La Bolduc, « trop souvent négligés » selon la musicienne ethnologue.  « On retient ses textes humoristiques, mais on oublie qu’elle était avant tout une merveilleuse créatrice de chansons avec un talent d’évocation plutôt exceptionnel. Les sonorités de ses mots venaient souvent enrichir ses mélodies », précise celle qui considère que seul un environnement sonore discret pouvait rendre justice aux compositions de notre grande dame de la chanson.

« L’orchestration est simple, certes, mais pas simpliste.  Trop souvent, les artistes qui ont repris son répertoire l’ont affublé d’un enrobage réducteur, minimaliste, qui ne lui rendait pas justice, alors que les enregistrements originaux étaient beaucoup plus élaborés.  Plusieurs musiciens de jazz, en tournée à Montréal, ont participé aux sessions de studios de La Bolduc. »

Plus qu’un hommage, la nouvelle production de Monique Jutras se veut aussi une contextualisation de l’œuvre de La Bolduc.  « C’est mon côté ethnologue », rétorque-t-elle en souriant. En misant sur la guitare, le piano, l’harmonica, le violon et plusieurs autres instruments traditionnels, la multi-instrumentiste tente de restituer aussi fidèlement que possible ces chansons qui ont marqué notre répertoire.  « Je trouve important d’explorer cette facette plus traditionnelle.  La fusion qu’on exploite à satiété aujourd’hui nous fait oublier les véritables racines de notre folklore et je veux en restituer un peu du goût originel. »  Sachant très bien qu’elle pourrait être identifiée à un courant plus puriste, Monique Jutras prend le pari de cette approche plus fidèle à la tradition en se gardant bien de jeter la pierre aux partisans des métissages culturels.  « Je ne suis pas une extrémiste, je n’ai rien contre la fusion, même si je trouve que nous l’utilisons à profusion.  Mais pour mon projet sur La Bolduc, j’avais envie d’être plus proche des disques originaux.  De toute façon, je ne suis aps aussi traditionnelle que ous le dites puisqu’on retrouve de la basse électrique dans mes interprétations », poursuit-elle avec ferveur.

Sous l’éclairage de Monique Jutras, l’immense talent de la Gaspésienne acquiert une novelle dimension.  Non seulement ses textes sont toujours d’actualité, mais ses mélodies résonnent de façon familière.  « C’est la grande force de Mary Travers.  Elle a utilisé et adapté des musiques hyperconnues des Québécois et souvent dérivées du folklore celte.  Elle chantait les préoccupations des Québécois dans une langue et une musique où ils se reconnaissaient. »

Mais au-delà de ces considérations artistiques et ethnologiques, c’est sa passion de La Bolduc qu’elle veut nous faire partager.  « C’était un véritable phénomène qui touchait toutes les classes sociales, à part peut-être l’élite francophone de Montréal.  Son premier enregistrement La cuisinière a vendu 10,000 copies en 1929, un véritable exploit ! »

Populaire au Canada français, aux États-Unis (elle a chanté pour le président Roosevelt) et en voie de l’être en France au moment où elle a eu son terrible accident d’automobile en 1937 – « Charles Trenet l’adorait », souligne Monique Jutras -, Mary Travers a laissé une marque indélébile dans la mémoire collective des Québécois.  Alors qu’une kyrielle de chanteurs se sont effacés de nos souvenirs, la « turluteuse » de la Gaspésie continue plus de 60 ans après sa mort de rester bien vivante dans notre répertoire musical. « La Bolduc a traversé les époques en gardant toujours sa pertinence, elle est peut-être même plus moderne que jamais et c’est ce que j’avais envie de faire découvrir aux auditeurs. »